L'art de la belle corvée
Publié le 28 mai 2024
Par Simon Diotte
Sans les corvées de bénévoles pour entretenir les infrastructures de plein air, les adeptes de plein air seraient bien mal pris·e·s. Les sentiers de randonnée, de vélo de montagne et de ski ne seraient probablement pas aussi nombreux et accessibles qu’ils le sont actuellement, les parois d’escalade et les accès à l’eau ne seraient pas nettoyés. Mais pour qu’une corvée soit une réussite, il ne suffit pas d’en planifier une. Les organisateurs et organisatrices doivent aussi penser à tous les petits détails pour rendre l’expérience productive et agréable. Voici les trucs des expert·e·s de la chose.
Le 11 mai dernier, plus de 80 bénévoles, ne craignant pas le travail physique et les vêtements sales, ont uni leurs forces pour la corvée annuelle printanière dans le réseau de pistes de vélo de montagne de Plein Air Sutton/MTB. Une séance de travail afin de partir la saison du bon pied qui s’est conclue par le partage d’une bonne bière, commanditée par la microbrasserie locale, et de nombreux prix de participation. Plus de 332 heures de bénévolat ont ainsi été comptabilisées, permettant de soulager le travail de l’équipe permanente de Plein Air Sutton/MTB, composée de six aménagistes.
Le succès de cette corvée présaison n’est pas le fruit du hasard. Le directeur général de Plein Air Sutton/MTB, Pascal Vinh Nguyen, planifie soigneusement les séances de travail de groupe. Ça commence évidemment par l’annonce de la corvée à travers les réseaux sociaux. Par la suite, les personnes intéressées remplissent un formulaire qui permet à Plein Air Sutton/MTB de constituer des équipes en fonction des attentes des bénévoles. « Je brasse aussi toutes les entreprises locales pour qu’elles nous appuient, ce qui nous permet d’offrir des prix de présence », dit le directeur général en poste depuis 2022. Les commanditaires sont si nombreux que les nommer dans ce billet prendrait tout simplement trop d’espace. Le tout assure le succès de l’événement.
D’autres corvées ont lieu tout au long de la saison, notamment les mardis Digs, des corvées hebdomadaires qui se déroulent tous les mardis de l’été de 16 h à 20 h. Elles se concluent, ô surprise, par une bière, comme le veut la tradition dans la culture du vélo de montagne. Il y a aussi les Beaux dimanches, quatre journées complètes de bénévolat dans l’année consacrées à l’ouverture de nouvelles pistes. « Et je termine chaque saison avec le souper des bénévoles, une façon de reconnaître et souligner leur implication », dit Pascal Vinh Nguyen. Ici, le bénévolat n’est pas perçu comme du « cheap labor » sans considération.
Bon à savoir, le travail bénévole a un impact qui dépasse le jus de bras. « La comptabilisation des heures données par les bénévoles apporte de l’eau au moulin lorsqu’on fait des demandes de subvention. Ça démontre aux bailleurs de fonds qu’il y a une forte implication de la communauté dans notre organisation », explique Pascal Vinh Nguyen. Plus de bénévoles, plus de pistes bien entretenues, plus d’argent : c’est le cercle vertueux en marche!
Ne rien laisser à l’improviste
Membre du conseil d’administration du Club de plein air de Saint-Donat, dans Lanaudière, François Arbique organise plusieurs séances de corvée par année. La recette du succès, selon lui, commence par la transmission d’informations claires, comme l’heure et le point de rencontre, le déplacement prévu (est-ce que la section à entretenir exige une marche d’approche de 5 ou 10 km?), la nature des travaux à faire (élagage, construction d’une passerelle, corvée de bois de chauffage, etc.) et la nature du terrain (est-il humide, boueux, enneigé? etc.).
« On doit également spécifier la durée de la corvée, car les gens tiennent mordicus à savoir quand ça se termine », dit-il. Autre détail à ne pas négliger : on mentionne si les chiens sont les bienvenus, car certaines personnes n’aiment pas la présence des canidés, d’autres ne vont pas « bénévoler » sans leur pitou. Bref, on ne laisse rien à l’improviste.
Sur place, l’ambiance de travail s’avère d’une grande importance. « Même si on est là pour travailler, il ne faut pas que les bénévoles aient l’impression d’être dans une prison à casser des cailloux », illustre l’organisateur. Donc, chaque séance commence par la présentation des participant·e·s. « On fait beaucoup d’efforts en vue d’intégrer les nouvelles personnes. On veut que tout le monde passe une belle journée », dit-il. Si vous n’avez pas d’outil, aucun problème, François Arbique et sa gang en apportent en extra. Les grosses journées à suer se terminent par la bière de récompense dans le stationnement.
Ambassadrice du Sentier national au Québec, Catherine Turgy s’investit de plus en plus dans l’organisation de corvées sur cette infrastructure verte qui fait 1650 km. Avant de réunir des équipes de volontaires sur le terrain, la randonneuse inspecte à l’avance les lieux d’intervention. « J’aime avoir une idée précise des tâches à accomplir. Au jour J, je peux mieux encadrer les équipes », dit cette adepte de longue randonnée qui vient de marcher de bout en bout l’Arizona Trail (1300 km). Au point de rencontre en matinée, la corvée commence par une présentation des participant·e·s, histoire de créer un esprit de camaraderie. « À l’heure du lunch, on mange en groupe », dit-elle.
Pour Catherine Turgy, c’est important que les gens qui donnent de leur temps réalisent le travail qu’ils et elles accomplissent. « À la conclusion de la journée de travail, je repasse dans le sentier avec les bénévoles. C’est souvent à ce moment-là qu’ils réalisent avec satisfaction l’ampleur du travail qu’ils ont effectué dans la journée », explique-t-elle.
Nos trois organisateurs de corvées insistent : pas besoin d’être en super forme pour vous joindre à une corvée. « Il y a toujours des tâches pour tout le monde. Souvent, on a simplement besoin de gens avec des gants de jardinage qui ramassent des branches au sol », dit François Arbique, du Club de plein air de Saint-Donat.
Comment joindre une corvée?
Ça vous tente de vous impliquer afin de pérenniser, développer et rendre accessibles nos sites de plein air?
La voie rapide pour trouver une corvée, c’est de vous joindre au groupe Facebook « Bénévolat en plein air au Québec », la référence en la matière. Gestionnaires de sentiers et de sites de pratique y publient les corvées à venir. On a sûrement besoin de vous dans un site près de chez vous. Vous pouvez également vous informer auprès des organisations que vous aimez.